9 leçons que l’école québécoise doit tirer de la situation COVID-19

Par Ugo Cavenaghi et Isabelle Senécal, coauteurs de Osons l’école (2017), Osons l’IA à l’école et Osons l’école d’après, à paraître en septembre 2020

Le système d’éducation du Québec est reconnu comme étant l’un des meilleurs au monde.  En temps normal, cela est vrai. Néanmoins, la crise sanitaire qui a causé la fermeture des écoles en mars dernier a mis en évidence les failles de notre système. D’ailleurs, la comparaison avec les provinces voisines est plutôt gênante. Cela dit, le contexte singulier de la crise COVID-19 a aussi permis à plusieurs écoles d’innover et de se moderniser, et cela, malgré le manque de leadership du ministère de l’Éducation et la forte résistance des syndicats. Afin de favoriser la réussite de tous les élèves, l’école québécoise doit, de toute urgence, retenir la leçon et saisir l’occasion de prendre de l’envergure.

Voici les leçons qui, selon nous, doivent être tirées des derniers mois.  

1.Le leadership et l’agilité doivent être l’affaire de chaque école.

La crise COVID-19 a exposé encore davantage les inégalités du système; entre privé et public, mais aussi au sein même du réseau public.

Les écoles qui ont instauré l’enseignement à distance de façon satisfaisante sont celles qui ont su démontrer davantage de leadership et d’agilité. Dans ce retour à la nouvelle normalité, toutes les équipes-écoles doivent pouvoir bénéficier de la latitude et de l’autonomie nécessaires à la mise en place de moyens d’action adaptés à leur milieu.  

2. Réparer la fracture technologique, un rattrapage urgent

Contrairement à nos voisins de l’est et de l’ouest, la majorité des écoles du Québec n’était pas prête à vivre la migration vers un enseignement exclusivement en ligne.  C’est que l’intégration des technologies comme outils complémentaires d’aide à l’apprentissage ne s’est pas faite de façon systémique, obligatoire au Québec. Pendant le confinement, ce sont ces outils technologiques qui ont permis aux enseignantes de maintenir un contact humain avec leurs élèves et de diffuser des contenus et des expériences d’apprentissage. Sur le plan technologique, l’école québécoise est entrée dans le 21e siècle à la vitesse grand V.  Profitons de cette opportunité et investissons afin d’élever les écoles du Québec au même niveau.

3. La créativité, une posture qui doit demeurer 

Comme c’est souvent le cas en situation de crise, les directions, les équipes-écoles et les enseignantes qui ont su le mieux s’adapter à l’enseignement à distance sont celles qui ont su faire preuve de créativité. Les acteurs du milieu de l’éducation doivent garder, en tout temps, cette posture créative au service de la réussite des élèves. Notre gouvernement doit aussi investir en recherche et développement afin que lÉducation devienne un des berceaux de l’innovation au Québec.

4. La formation continue des enseignants et des directions ne doit plus être optionnelle

Alors que la recherche en éducation démontre que le développement professionnel des enseignantes contribue favorablement à la réussite de l’élève, celle-ci n’est toujours pas obligatoire au Québec. Au cours des trois derniers mois, les enseignantes ont dû se former en accéléré afin de répondre aux besoins les plus criants de leurs élèves. Celles-ci ont d’ailleurs collaboré de façon accrue, s’entraidant au travers des difficultés rencontrées. Je souligne leur courage. Les ressources à l’intention des enseignantes et des gestionnaires d’écoles se sont d’ailleurs faites beaucoup plus nombreuses et généreuses sur les réseaux sociaux. Profitons de cet élan pour reconnaître l’importance du développement professionnel en y accordant une place réelle et reconnue dans la tâche éducative des enseignantes.

5. Plus de flexibilité dans les lieux et dans le temps 

Un des constats qui s’impose, c’est que le lieu physique qu’est l’école, plus particulièrement le secondaire et les ordres supérieurs, ne doit plus être considéré comme seul lieu d’apprentissage. De la même façon, les horaires très rigides doivent être assouplis, afin qu’ils soient adaptables face aux besoins qui se présentent et répondent à celui de flexibilité des étudiants. L’école, de façon générale, ne doit plus être le modèle one-size-fits-all qu’elle est actuellement.

6. L’école doit former les élèves à apprendre dans différents contextes

Le futur, tel qu’il se présente, exigera des jeunes qu’ils apprennent, puis éventuellement travaillent et se forment en continu dans différents contextes; en présentiel, en ligne, de façon autonome, etc. Il est de la responsabilité de l’école actuelle de préparer les jeunes à cette nouvelle réalité. Afin que nos jeunes deviennent d’habiles apprenants, l’école doit aussi développer chez eux les compétences liées au numérique, ainsi que leur autonomie d’apprenant. Au cours des trois derniers mois, des parents nous ont dit avoir constaté un développement accéléré de l’autonomie chez leurs enfants. Les enseignantes nous ont aussi dit avoir vu certains élèves, plus effacés en classe, s’engager davantage dans un contexte en ligne au sein duquel ils peuvent évoluer à leur rythme et avoir un contact privilégié avec elle. Profitons des avantages des deux modes (en présence, à distance) pour répondre encore mieux aux besoins des élèves.

7. Optimiser la valeur de la présence en classe en adoptant une pédagogie active

Jamais les élèves du Québec n’auront été aussi heureux de retourner en classe qu’à la rentrée. En effet, le temps de classe est précieux. Aussi, doit-il être utilisé pour faire vivre des apprentissages qui ne peuvent se faire ailleurs, devant son écran, par exemple. En enseignement, transformons les approches magistrales en approches de pédagogie active, plus signifiantes pour les élèves et plus durables sur le plan des apprentissages. 

8. La différenciation et la personnalisation, des pratiques nécessaires à la réussite de tous

Sans surprise, les enseignantes qui ont réussi à maintenir la motivation des élèves sont celles qui ont priorisé la relation et l’affectif, en différenciant leurs approches sur les plans de la communication, du suivi des élèves et de la rétroaction. Certaines ont même personnalisé leurs interventions, appelant, textant ou organisant des rencontres en visioconférence avec des élèves à risque. La différenciation et la personnalisation sont des approches à promouvoir car, lorsque bien orchestrées, elles sont très efficaces.  

9. Faire la promotion d’une culture de l’apprentissage plutôt qu’une culture de la note

Bien que le Ministère de l’Éducation disait déjà en 2003 que « l’élève n’apprend pas pour être évalué; il est évalué pour mieux apprendre  ce paradigme a pris tout son sens ce printemps. Les enseignantes ont cherché des moyens leur permettant de suivre l’élève dans un processus et de donner des rétroactions en cours d’apprentissage, plutôt que d’administrer des examens traditionnels. Au lieu de se fier à un calcul mathématique pour communiquer l’atteinte des compétences de leur programme, celles-ci ont utilisé leur jugement professionnel pour témoigner des acquis des jeunes. Afin que puisse se développer une culture de l’apprentissage dans nos écoles, les enseignantes, appuyées par leur direction, doivent maintenir et optimiser ces bonnes pratiques en matière d’évaluation. 

Nous espérons que tous les acteurs du milieu de l’éducation saisiront cette opportunité pour transformer l’école, la moderniser, non pas pour une 2e vague, ni pour une éventuelle pandémie, mais pour le bien de nos jeunes et de notre société.

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